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Retraite à 62 ans : le groupe Liot se heurte à un gouvernement féroce

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Le groupe Liot se bat pour le retour à l'âge de départ à la retraite à 62 ans, une proposition qui met le gouvernement sur la défensive.

Photo : Capture d'écran / Assemblée nationale
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Ce mercredi 31 mai, a marqué un tournant significatif pour le futur de la proposition de loi portée par Liot. La commission des Affaires sociales a voté en défaveur de l'article 1er, qui proposait de revenir à l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Toutefois, le groupe Liot n'a pas encore abattu toutes ses cartes. Le dénouement de ce combat politique sera annoncé le 8 juin prochain.

« On voit bien la manœuvre, elle est très simple, tout faire pour qu’on ne vote pas l’article premier. Si on le vote (ndlr: en séance à l’Assemblée nationale) il sera adopté.» Charles de Courson, député de la Marne et membre du groupe Liot ne ménage pas sa critique à la suite de la suppression de l’article premier de la proposition de loi portée par son parti politique. Par 38 voix contre 34, l’intégralité du premier article a été supprimé symbolisant le maintien de la retraite à 64 ans. Une première victoire pour les macronistes dans ce bras de fer politique. 

La genèse d'un combat pour les retraites

Placé au centre droit de l'échiquier politique, mais hors de la majorité présidentielle, le groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) est sorti de sa discrétion en mars dernier, suite à l'instauration de la nouvelle réglementation sur les retraites. Dirigé par Bertrand Pancher, député de la Meuse, ce parti avait brandi une motion de censure contre cette réforme, qui n'a été rejetée qu'à neuf voix près. En dépit de cette défaite, une autre voie restait ouverte pour le groupe : celle de proposer une loi abrogeant cette réforme. Le 20 avril, ce petit groupe de 21 députés a donc rédigé un projet de loi destiné à ramener l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Une action qui a fait trembler le gouvernement déterminé à tuer dans l'œuf ce projet. De là, est né un conflit soutenu entre la majorité présidentielle et le groupe Liot, qui a trouvé des alliés au sein des autres partis de l'opposition, la Nupes, le Rassemblement National et certains Républicains. 

Que contient la proposition de Loi du groupe Liot ?

Le texte introduit dans son premier article l'idée de rétablir « à l'état antérieur du droit s'agissant de l'âge légal de départ, fixé à 62 ans » ainsi que de reprendre « le calendrier initial de la hausse de durée de cotisation, pour /atteindre 172 trimestres en 2035 pour la génération 1973 ». Le second article sollicite la tenue d'une « conférence de financement pour garantir la pérennité de notre système de retraite ». Une action qui, si l’article est adopté, se tiendrait avant le 31 décembre 2023. En dernier lieu, l'article 3 propose que « la charge pour les organismes de sécurité sociale » puisse être équilibrée « par la majoration de l'accise sur les tabacs ».

Première victoire pour la majorité présidentielle

Avant que cette proposition de loi ne soit présentée à tous les députés au sein de l'hémicycle, le texte a dû être présenté à la commission des Affaires sociales, pour voter les amendements déposés par les autres députés visant à modifier ou non le texte initial. Un épisode houleux  qui s’est déroulé ce mercredi 31 mai.

Les députés macronistes avaient déposé un amendement sur l’article premier, qui était de le supprimer afin de garder l’âge de départ à la retraite à 64. Une action qui donc a porté ses fruits. 

« Ce sont des coups de poignards successifs contre le système démocratique. Lerefus d’accepter le vote est contraire à toute règle de démocratie », réagit Charles De Courson, porteur de cette proposition de loi. 

Face à la suppression de l’article premier, les députés de la Nupes ont soumis des milliers d'amendements et sous-amendements, cherchant à prolonger les débats. Une stratégie explique le député LFI Alexis Corbière : « Si on n'a pas le temps de discuter de l'ensemble du texte, il reviendra en l'état initial en séance (le 8 juin, ndlr), il peut y avoir un intérêt à faire ça. »

Mais rebondissement démocratique, la présidente de la commission des Affaires sociales, Fadila Khattabi, a annoncé que les quelque 2 200 amendements déposés par l'opposition ne seront pas examinés, du fait de leur nombre important et d'une «volonté d'obstruction flagrante » . Face à cette situation, les députés NUPES ont décidé de quitter la commission, et de ne pas prendre part au reste des votes sur les deux autres articles qui ont été adoptés.

Le groupe Liot a exprimé sa frustration et ne peut « accepter les conditions d'examen du texte en commission, au mépris des règles élémentaires du travail parlementaire. Nous rappelons que le droit d'amendement des parlementaires est reconnu par la Constitution. Aujourd'hui, ces droits ont été bafoués ».

Après le 49.3, le 44.2 et le 44.3, place à l’article  40 ?

Depuis la proposition de ce texte, les députés de la majorité et le gouvernement cherchent à l’esquiver, afin que l’ensemble des députés ne puissent pas se prononcer sur l’âge de départ à la retraite. Les macronistes comptent faire recours à un article de la Constitution pour faire tomber le projet Liot. 

Dernièrement, le gouvernement semble utiliser certains articles de la Constitution pour faciliter l'adoption de diverses lois. Le 49.3 a déjà été utilisé à de nombreuses reprises par la Première ministre, notamment pour faire passer cette réforme des retraites. Le gouvernement a également utilisé le 44.2  pour accélérer les débats au Sénat, toujours sur cette même réforme. Le 44.3 a aussi été proclamé pour procéder à un « vote bloqué », au lieu de voter amendement par amendement, article par article, les différents sénateurs ont été contraints de délibérer, en un seul vote, de l’adoption ou non du reste de la réforme. Autant d’outils jugés « anti-démocratiques » par tous les partis de l’opposition. 

Mais cette fois, le gouvernement et les députés de la majorité souhaitent dégainer l’article 40 de la Constitution, au prétexte qu’il provoquerait un alourdissement des charges publiques s’il était voté, sans compensation financière. « Ce texte créerait une dépense de 18 milliards (d’euros), de toute évidence, il crée une charge », a souligné sur France 2 Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, avant d'ajouter, « je suis prête à prendre mes responsabilités. »

Au travers d’une lettre ouverte adressée au Président de la République, Bertrand Pancher, expliquait que le recours à cet article est une « vaste farce » et est « le signe d'un gouvernement aux abois ».

« Si on appliquait l'article 40 à toutes les propositions de loi d'origine parlementaire, on ne pourrait plus déposer de proposition de loi », argumente-t-il.

Finalement cet espoir, avancé par la majorité présidentielle, a été balayé par le député LFI, Eric Coquerel, président de Commission des finances jugeant recevable la proposition de loi. 

Que va-t-il se passer le 8 juin  ?

Maintenant que l’article 1er de cette proposition de loi a été supprimé, selon les députés Liot,  le texte perd toute sa valeur.

En séance la semaine prochaine, les députés Liot et leurs partenaires déposeront de nouveau un amendement pour rétablir l'article 1, mais c’est là que le gouvernement pourrait sortir son dernier joker pour faire tomber le château de de carte, par la voix de Yaël Braun-Pivet,présidente de l’Assemblée nationale qui devrait le déclarer irrecevable au nom de l'article 40 de la Constitution.

Si elle le fait, elle « rompra une position constante des présidents successifs de l’Assemblée nationale », déclare Charles De Courson. « Une motion de censure finira par passer, et peut-être dans un délai pas si lointain, c’est inéluctable », conclue-t-il.

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Publié le
1/6/2023
à
19:18
Modifié le
6/6/2024
à
10:05

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Photo : Capture d'écran / Assemblée nationale
Direct rédigé par
Julian Carrey

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